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VINGTIEME JOUR
Soirée mange-debout du NTI12 |
Jeudi, 23 décembre, avec Nicolas, nous sortons en ville, petite visite à la brigade de recherche de la gendarmerie. Nous sommes reçus par l'adjoint, un adjudant-chef. Il porte un treillis sans signe distinctif. Là aussi, son bureau est d'un dénuement monacal, deux bancs pour les visiteurs, un bureau et une chaise pour lui, quelques vieux codes, quelques papiers. Les murs sont nus, repeints récemment en jaune criard. Pas une affiche, pas un poster, pas un cadre. Des fils électriques pendent des prises. La porte fermée, il fait sombre, l'adjudant-chef ouvre les volets pour laisser entrer la lumière. Pas de fenêtres, juste des volets.
Dans la cour, un peloton défile, tente de défiler, fusils mas 36 et Kalashnikovs sur l'épaule, commandé par un officier sabre au clair. Les mouvements manquent de coordination d'ensemble mais la bonne volonté est là.
Nous nous séparons en échangeant nos coordonnées. « Nous sommes ensemble » dit l'adjudant-chef, résumant l'esprit de coopération qui anime nos deux gendarmeries. C'est un peu le leitmotiv ici, « on est ensemble ».
Nous filons au commissariat de la police nationale tchadienne, un petit bâtiment plutôt décrépit au milieu d'une petit cour encombrée. Un civil, fonctionnaire de police ?, prend une déposition sur une antique machine à écrire. La première que je vois dans une administration. Le commissaire de police nous reçoit aimablement dans son bureau, une pièce enfin décemment meublée, des nattes au sol, un bat-flanc, deux chaises pour les visiteurs, un bureau avec mappemonde lumineuse, une lampe de bureau, des piles de dossiers, une carte et des affiche au mur. L'homme doit être d'une certaine importance sociale. Il est sympathique dans sa grande robe traditionnelle. Il parle un bon français. Il revient d'une mission ONU à HAÏTI.
De retour à la base, nous remarquons que le Casa, mini-Transall de fabrication espagnole, est sur le parking du transit, encore une VAM imprévue, sinon au dernier moment.
Jean-Marc en débarque sans prévenir, de retour de sa MR. Il ressemble à un baroudeur, le vêtement sale, la barbe de quatre jours, l'air un peu hagard de ceux qui dorment mal, le sac au dos et l'habit plutôt poussiéreux. Il semble recouvert d'un voile rougeâtre.
Après la sieste, avec Nicolas, je coure autour de la base, quatre tours, c'est bien assez si l'on considère les conditions. A 17h00, le soleil commence à disparaître. Sur un merlon, se tient Imar, notre âne, immobile, le regard perdu vers le crépuscule. Il contemple la ville à ses pieds. A quoi peut-il bien songé ?
Près de l'entrée du transit, un petit groupe s'agite. Des civils et des militaires tchadiens encadrent un TOYOTA de l'ANT qui pénètre dans le camp et se dirige vers l'état-major. L'officier de permanence coure derrière. Une tentative d'invasion de l'armée tchadienne ? Je me renseigne. Il semblerait qu'un personnage d'un certain rang, ayant un certain lien familial avec le pouvoir en place à N'DJAMENA, ait été victime d'un accident de la circulation. Il serait gravement blessé. Il a été emmené par ses hommes à l'infirmerie du camp. Une EVASAN est décidée pour transporter sur la capitale. LeCasa en mission quelque part est détourné sur ABECHE et évacue le blessé.
Ce soir, comme tout les jeudis, soirée mange-debout. Le NTI12 est de service, au menu hamburger-frites, salades, fromage, glace. Les hamburgers sont énormes, deux fois la taille de nos macdos et autres quicks. Les frites sont frites à souhait. Un bon repas, comme d'habitude. Il y a peu de monde. Le détachement PROTERRE organise une soirée de son côté. Nous les entendons chanter. Leur soirée se dispersera vers 23h00, heureusement car je dors juste en face.
Attiré par je ne sais quelle odeur, Imar et sa famille s'invitent au mange-debout. Certains les nourrissent pendant que d'autres tentent de les repousser.
Pour donner un air de fête à la soirée, les cadres du NTI12 arborent des bonnets rouges et blancs, très Père Noël.
Michel et Renaud arrivent sur le tard. Ils sortent d'une petite fête avec l'ANT. Michel nous raconte ses aventures de la journée, un mémorable voyage dans un pick-up de l'armée tchadienne à plus de 100km/h sur des pistes défoncées, avec des roquettes antichars brinqueballant aux ridelles.
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VINGT ET UNIEME JOUR
On s'active à préparer l'autel |
Vendredi, 24 décembre, veille de Noël, depuis plusieurs jours déjà l'esprit de Noël s'est installé sur la base. Guirlandes lumineuses, boules colorées, décorations fleurissent un peu partout. Des pères noël apparaissent subrepticement ci et là. Si le repas du réveillon sera à la hauteur des repas habituellement servis, nous n'aurons pas à nous plaindre.
L'adjudant-chef Abakar, de la gendarmerie des transports aériens tchadiens vient nous visiter. Il porte une chemise bleue, française, des écussons français, des chaussures françaises, certainement des cadeaux de la part d'anciens prévôts. Il parle un bon français, nous discutons à bâtons rompus. Je lui offre un café.
15h30, rassemblement d'une dizaine de militaires français devant l'infirmerie. J'en suis. Nous partons assisté à la messe de Noël à l'église catholique d'Abeche. Début de la messe prévue à 16h00, mais quand nous arrivons sur place, un peu en avance, le prêtre nous explique que l'office aura un peu de retard. Dans un coin de la cour, une partie de pétanque fait rage.
Le curé est français, la bonne soixantaine d'années. Il porte une sorte de pyjama aux couleurs et aux dessins très africains. L'église étant trop petite pour l'assistance prévue, un chapiteau a été dressé à côté. Nous prenons place sur des bancs de bois. De jeunes tchadiens s'affairent autour d'une sono. Une chorale, en grandes robes mauves, s'installe et vocalise.
Le chapiteau se peuple petit à petit. Les gens portent leurs habits de dimanche. Certaines chaussures aux pointes démesurées, façon poulaine moyen-moyenâgeuse, me surprennent. Jamais vu cette mode en France, en Italie peut être. Les femmes mettent une touche très locale, habillées de boubous et de turbans multicolores que l'on ne voit pas les jours de semaine. Certaines sont très belles.
Avec le prêtre, nous sommes les seuls européens.
La messe débute. Elle dure deux heures. Le prêtre officie en français mais presque toutes ses paroles sont traduites en langue tchadienne. Nous ne devons pas avoir la bonne traduction car certains prêches en tchadien font rire toute l'assemblée sans que les paroles françaises nous en donnent la raison.
Les femmes de la chorale ont des voix très aïgues, presque criardes. Je plains leurs hommes lorsqu'elles crient après eux à la maison.
Cela ressemble à certaines de ces messes américaines des états du sud, avec des chorales en longue robe, l'assemblée qui reprend les chants en tapant dans ses mains et en se balançant au rythme de la musique. Les femmes laissent échapper de longs YOUYOU. Le spectacle est dans toute la salle. J'ai envie d'applaudir après chaque chanson, si seulement Larsen pouvait laisser la sono tranquille.
Jésus est mis en crèche, de petits filles tournent autour en agitant avec les bras les ailes de carton qu'elles ont fixées dans le dos.
Après la quête, d'autres fillettes s'organisent en procession depuis le fond du chapiteau. Elles s'avancent vers l'autel en dansant et en chantant.
Un pick-up armé fait irruption dans la cour, une patrouille qui vient s'informer de la raison de cette manifestation? Elle repart, remplacée par un véhicule de la police qui ne s'attarde pas non plus.
Sur la route de Goz-Beida, de l'autre côté du mur, des camions passent, surchargés de marchandises jusqu'au sommet des ridelles et surchargés de passagers par dessus les marchandises.
La messe finit à19h00. Nous regagnons la base à travers une ville presque désertée. Sur les grands boulevards, au pied de chaque lampadaire, une personne est assise à même le sol, un livre entre les mains.
Au camp, les festivités ont déjà commencés. L'apéritif est déjà servi et bu. J'enfile en vitesse mon treillis de cérémonie.
Le repas est à la hauteur de l'événement, quatre buffets sublimes. A l'entrée, nous dégustons saumon fumé sur blinis, verrine de crevettes, toasts aux œufs de lumps, bullots, langoustines. Une ancre de marine est confectionnée en crevettes et langoustines. Le plat principal est un délicieux morceau de boeuf, saignant et tendre à souhait. Le buffet des fromages est énorme. Celui des desserts est un monument.
Seul bémol, le vin est rare, une bouteille de blanc, une bouteille de rosé et une bouteille de rouge pour cinq à sept personnes. L'ambiance est bon enfant, animée, bruyante. Un moment agréable dans l'ensemble même si quelques avinés font tâche.
La fête se termine assez tôt, minuit et demi, par la distribution des cadeaux aux militaires de l'armée de terre. Marine, armée de l'air et gendarmerie ont été oubliées.
Certains font des « afters » dans des popotes.
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VINGT DEUXIEME JOUR
Le buffet des désserts |
Samedi, 25 décembre, jour de Noël, la base sommeille. Elle émerge lentement. Je me prélasse au lit. Aujourd'hui, personne ne travaille.
Je reçois enfin mon colis, envoyé le 18, braedeles, saucisson sec, bonbons, thé, une bonne bouteille. De quoi compléter la fête.
Je téléphone à la famille. Là bas, il neige, il gèle, il fait froid. Ici, je transpire à grosses gouttes.
Avec Jean-Marc, nous sommes invités à manger à la table du COMDET, avec les autres officiers. L'ambiance est réservée, un peu guindée, répondant à une certain cérémonial.
A peine revenu dans ma chambre pour la sieste, exercice incendie. Le temps de m'habiller et d'aller sur les lieux, la manœuvre est déjà finie. Je regagne mes pénates.
Le soir, au foyer, je retrouve Pépé qui rentre de la MR. La mission a été interrompue sur ordre du ministre de la défense tchadien pour d'obscures raisons. Il a fêté Noël sur le terrain, assez pauvrement, un peu de foie gras, trois chevreaux cuits sur le tard, servis à 02 heures du matin. Certains étaient déjà couchés depuis longtemps. Même la présence du COMANFOR sur place n'a pas amélioré l'ordinaire et ni les festivités inexistantes.
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VINGT TROISIEME JOUR
quelques convives |
Dimanche, 26 décembre, jour de la St Etienne, férié en Alsace, de toute façon nous sommes dimanche.
Plein de bonnes résolutions, j'avais réglé mon réveil à 06h00 pour aller faire du sport. Mais l'envie me manque. Je traîne. Je m'élance finalement à 07h00 pour mes quatre tours habituels et mes pompes.
Je fais un peu de ménage dans ma chambre. Je joue au tiercé et je suis désigné pour choisir les chevaux pendant que le COMDET lance les dés. Je perds, le gagnant empoche 43 000 francs CFA, mais pas en argent liquide, en bons pour le foyer.
Ma sieste est plutôt crapuleuse. Je mets à jour mon blog.
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VINGT QUATRIEME JOUR
En plein exercice du plan Manège |
Lundi, 27 décembre, je me lève à 05h00, petit déjeuner à 05h30, je l'avale en vitesse car dès 05h50 nous nous rassemblons déjà pour la cérémonie des couleurs. Il fait plutôt frais ce matin, pas loin d'être froid. A la fin des couleurs, nous mettons en place le plan MANEGE, accueil et évacuation des ressortissants français et européens en cas de troubles graves. Mais aujourd'hui, il ne s'agit que d'un exercice.
J'ai pour tâche d'installer et de tenir le poste « fouille des personnes », deux tables, deux chaises, un détecteur de métaux, une poubelle. Pour 07h00, tout est en place, le COMDET fait le tour du dispositif. Fin de l'exercice à 09h00.
Debriefing cette après-midi, à 16h00, pour caler le tout et on rejouera la manœuvre de manière plus réaliste une autre fois. Certains anciens font étal de leur expérience lors d'évènements réels,. A les entendre, quoique l'on puisse faire pour se préparer, il y a tellement d'impondérables, cela risque d'être un peu le bordel.
Je suis prévu pour une MR, non maintenant on dit TP ( tournée de province ), à compter de dimanche, 04 jours, ou plus, inch allah, dans la brousse avec une section de militaires de la PROTERRE. En prime, on aura certainement droit à un CAS ( close air support ) avec des Mirages 2000 survolant la colonne en rase-mottes.
Ce soir, les commandos sont de retour de leur MR, non, de leur TP, plus barbus et chevelus que jamais. La disparité de leurs uniformes atteint des sommets.
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